Le passé est-il derrière nous ?
Mai 2024
par Pauline Guérisse
« Pourquoi revenir en arrière, tout cela n’est –il pas passé ? », est une question qui m’a été posée parfois.
D’un point de vue temporel, le passé est indéniablement derrière nous. Les années qui s’additionnent en sont les témoins visibles ! Mais d’un point de vue psychique cela n’est pas si simple. Nous sommes à cet instant précis la somme de ce que nous avons vécu. Notre personnalité d’aujourd’hui a été structurée par nos expériences, nos héritages, les influences de notre environnement. Cette structure et ce passé ne changeront pas et il faut intégrer qu’au travers de nos vécus nous avons construit des croyances, des défenses, des visions du monde et de nous-même qui influencent notre présent. En ce sens le passé n’est pas derrière, il se rejoue régulièrement et nous avons tendance à construire notre futur avec le matériel passé.
Exister c’est donc porter avec soi toute une expérience de vie qu’il nous faut en quelque sorte ramasser, honorer, revisiter pour continuer à aller de l’avant.
Deux pièges nous guettent. Le premier est de ne pas vouloir accueillir ce qui est pesant dans notre histoire sous prétexte qu’on veuille aller de l’avant. On se dit qu’y penser ne sert à rien. Ou alors on se plaît à croire qu’on a tout pardonné. Cela ne va qu’un temps. L’évitement finit par produire un effet boomerang. Il faudra à un moment donné embrasser nos blessures, tout simplement parce qu’il est bon de récapituler son histoire pour que quelque chose de nouveau se dessine. Cela s’applique tout particulièrement aux mémoires traumatiques.
Le deuxième piège est de confondre conscience de son passé avec ruminer son passé. La rumination nous bloque dans le passé. Nous restons victime. Le travail sur soi n’est pas une focalisation sur « derrière nous » mais une attention à ce qui se rejoue du passé dans le présent ici et maintenant. Il s’agit de vivre avec son passé et pas dans son passé.
De cela découle qu’il faut parfois accepter de ne pas tout comprendre, accepter d’arrêter de chercher des causes, et plutôt aller au contact de ce qui se vit intérieurement dans le corps, les émotions. Aller au contact de ce qui cherche à s’exprimer. Cela veut dire accepter que tout ce « matériel » dont nous sommes tissés puisse nous traverser. Parfois de vieilles douleurs se revivent telles que nous les avons ressenties 30 ans auparavant. Tous nos vécus sont en mémoire et sont notre matière psychique. A chaque fois que se réactivent des vécus, c’est une occasion de prendre conscience de croyances. Cela donne la possibilité d’établir des mises à jour, de se décaler de certains fonctionnements qui ne sont plus adaptés et ainsi de libérer de nouvelles énergies.
Notons aussi que récapituler son histoire c’est aussi honorer toutes les forces et les compétences que nous avons mises en œuvre jusque-là parfois sans vraiment le remarquer. Valoriser nos ressources c’est arroser notre arbre de vie !